samedi 17 janvier 2015

CHRONIQUES DE LA CAROTIDE OUVERTE 2

Dans le lit voisin
elle souffre
Toute la nuit
elle gémit
elle prie

elle dit
Je veux mourir

je compatis.

Mais une voix
du tréfonds de ma fatigue
lui crie en silence
Crève !

06.12.2014



Vieille peau ridée
chairs flétries
yeux – chasse yeux -
traits brouillés sans expression
docilité patente.

Sourire édenté béat
elle obtempère
si on lui dit de se laver
elle se lave.

Si on lui dit d'avaler
les pilules
elle déglutit audiblement
aimablement.
Mais un comprimé à la fois
tombe à côté de sa bouche
dans le tiroir juste au-dessous.
Quand elle a fini
elle fait Aaaaahhhh !
C'est par l'Aaaaahhhh !
qu'on trompe son monde.

La nuit venue
elle ne dort pas.
Une main recouvre son sexe
elle se fait du bien, ah !
pour tout le mal qu'on lui a fait
dans la journée
piqûres
torsions
examens invasifs et incursifs
de routine
au dire de ceux qui les infligent.

C'est une vieille inoffensive
immobile quand on la regarde.

C'est un chaudron de pure colère
qui fait bouillir son corps brisé
qui la fait se hisser et ramper
entre deux rondes d'infirmières
vers la sortie
vers l'air
vers l'hiver
vers le risque accepté
vers la délivrance espérée.

08.12.2014



Tu devrais voir :
le plafond blanc et une grosse mouche noire qui s'en envole
pour se poser contre la vitre
et bourdonner.

Ça, c'est dans la chambre.

Dans le couloir des infirmières
ça bourdonne aussi.

Le discours de la mouche est plus simple à comprendre.


16.12.2014




L'Omerta
c'est ici.

Les oligarques diplômés
ont l'exclusivité
de la parole.

Les autres
les sous-fifres
affichent des airs entendus.

Ils exécutent.

Si ça suffit à faire leur bonheur...


16.12.2014





Parfois
elles consentent à parler d'elles :
quelques mots de leur quotidien
la vie dure
la vocation qu'elles ont perdue

restent fatigue et amertume.
Ça sonne juste.

Dès qu'il d'agit
d'aborder le sujet
de leurs patients et de leurs maux
ça sonne faux.

Cloche fêlée
corne de brume.


16.12.2014