vendredi 21 mars 2008

DENISE.

Mon amie et voisine Denise est morte. Même si elle n'était plus dans sa maison depuis plusieurs semaines, il me semblait que ses meubles et ses objets familiers continuaient à y vivre, retenant leur souffle dans l'espoir qu'elle revienne les regarder en évoquant des souvenirs, les caresser au passage. Son lit, qu'on avait descendu à la cuisine, gardait l'empreinte de son corps, prêt à l'accueillir en épousant les contours de ses muscles fatigués. Un livre ouvert sur la table frémissait en attendant qu'elle y pose les yeux.

Et puis, un mardi, il y a dix jours, Denise a laissé se détacher d'elle le fil ténu qui la reliait à sa réalité coutumière. Et, dans sa maison à côté de la mienne, j'ai senti que tout se figeait dans une incrédulité douloureuse. Plus jamais, plus jamais Denise. Plus jamais, Denise. L'encre prisonnière de son stylo ne connaîtra pas les courbes de son écriture, les dernières pages du livre ne recevront pas son regard attentif.

La péniche, que je regarde passer lentement sur le canal, de la fenêtre de ma chambre à coucher,
Denise ne la verra pas, elle ne saura pas le nom bizarre qui est peint sur sa proue, elle ne saura pas le drapeau qui flotte mollement sous la pluie. Nous ne partagerons plus les couchers de soleil transfigurant l'écran des fenêtres dans nos cuisines respectives. Je me sens orpheline, sans elle.

L'autre réalité, dans laquelle elle est plongée à tout jamais, dont, peut-être, elle était issue, m'est à présent inaccessible. Et elle ne viendra pas me dire, avec le demi-sourire/demi-soupir que je lui connaissais si bien : "Ah, Josiane !..." comme lorsqu'elle s'étonnait des métamorphoses que son corps traversait au fil de sa dernière maladie.

Considérations banales, sans doute, mais l'esprit du deuil est affaire commune...

1 commentaire:

Unknown a dit…

Et si, Jo, la dernière métamorphose avait lieu après...l'ultime, la vraie ? Le demi-sourire est dans ta mémoire mais l'"être" est peut-être parmi nous. Faisons comme si et la solitude ne sera plus jamais pareille...
LysB