vendredi 5 décembre 2008

LA TROISIEME CHUTE.

Sa première chute fut de crédibilité :
il avait raté son effet.

La deuxième de popularité :
le plus dur fut de se relever.

La troisième n’est pas arrivée :
il n’arrête pas de se retourner.

Et il attend.

Jo Hubert.

vendredi 28 novembre 2008

FAIT DIVERS

Sur le parking du supermarché
Un homme court derrière son caddie
Qui a pris quelques libertés
Et percute une BMW.

Que pensez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le client qui paya.


Dans la rue en pente affirmée
Une femme court derrière son buggy
Qui abrite son dernier-né
Et percute une BMW.

Que pensez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le bébé qui… non ! ne regardez pas !

lundi 24 novembre 2008

CAR WASH

Ce matin, je suis passée devant un car-wash, à Gosselies. Un automobiliste attendait mais le bâtiment avait l'air déserté.

CAR WASH.

Au car-wash de la rue du Palais
Le client s’impatientait.
Où était ce foutu Paki ?
La voiture avait absolument besoin d’être lavée
Et chez le Paki c’était meilleur marché.

Allons pressons un peu
Il va être en retard
À la réunion hebdomadaire de son club de billard.
Toutes les cinq secondes
Il consulte sa montre
Qui a d’ailleurs cinq bonnes minutes d’avance.

A deux pas de là
Sous les rouleaux de lavage
Le patron pakistanais gisait
La gorge tranchée
Dans les bras de son ouvrier
Au crâne fracassé.
L’homme qu’il avait aimé.

Le client s’impatientait
Sa voiture avait absolument besoin d’être lavée.

Jo Hubert
Novembre 08.

samedi 22 novembre 2008

DERISION VS SINCERITE.
La dérision est à la mode, l’autodérision encore plus. Facile ! Pour peu que je choisisse un sujet consensuel et que j’en prenne systématiquement le contrepied, tout en gardant mes distances… Je ne me compromets guère et je passe pour un esprit original. Si en plus je dénigre mes propres œuvres, mes écrits, je ne récolterai que des bravos.
Mais flûte, à la fin ! Si je l’ai écrit, si je l’ai peint, c’est que c’est ainsi que je le ressentais et je ne vois pas pourquoi je me désavouerais, sous prétexte que la sincérité est passée de mode.
Il m’arrivera encore de dérisionner (et de déraisonner) mais ce ne sera plus systématique : au moins j’aurai essayé de me distinguer d’une autre façon. Non mais !

jeudi 13 novembre 2008

Le GPS ou le deuil de ne plus savoir où on (en) est...

La présence d’un GPS dans la voiture me fait perdre le sens de la désorientation. Et je déteste ça. Je l’aime bien, moi, mon sens de la désorientation ! Il m’a rendue célèbre dans la famille. Mes enfants m’avaient surnommée « la championne du demi-tour ». Je tiens à mon titre.
Qui dira la poésie de se perdre, de faire des détours labyrinthiques en une sorte de retour sur soi-même pour atteindre enfin le cœur du plaisir, l’extase finale : l’égarement total ? On joue à se faire peur : on est perdu, soit, mais si on n’allait plus jamais se retrouver ? Que deviendrait-on, sans soi dans sa vie ? Plus de reflet dans le miroir, plus d’ombre qui vous accompagne… Le Petit Poucet a dû expérimenter ces délicieuses angoisses.
Délicieuses parce que factices. On n’est jamais perdu que pour les autres, finalement. Quand on dit : « je me suis perdu », c’est « je suis le seul à savoir où je suis » qu’il faut entendre. Quel plaisir plus exquis que celui de se savoir introuvable à cette époque où tout est mis en place pour surveiller les faits et gestes de chacun ? D’arpenter de long en large la salle des pas perdus de notre manoir secret ?
Et quand on se retrouve (ou qu’on s’y retrouve), c’est parce qu’on veut bien se laisser retrouver. Car si on peut se perdre en une multitude de lieux, on finit toujours par se retrouver au même endroit.
Difficile de ne pas perdre le fil de ce dédale ?
Suivez-moi et vous comprendrez. Mais, avant de partir, jetez votre GPS aux orties.

jeudi 21 août 2008

Un poème impromptu.

RENDEZ-VOUS.

La mort est venue me surprendre

au saut du lit

un beau matin d’été.

Par la fenêtre de ma chambre,

je voyais les prés tout illuminés,

c’était une sacrée belle journée !

Pour une fois que je me sentais reposée,

le cœur léger, j’ai décidé de me lever,

de bien profiter de la matinée ensoleillée.

La mort est venue me cueillir,

m’a coupé l’herbe sous le pied,

pour ainsi dire.

J’étais prête à rebondir,

en dépit du poids des années.

La mort est venue me cueillir.

Elle m’a fauchée.

jeudi 31 juillet 2008

FLOREFFE ET APRES...


Le stage de Floreffe s'est déroulé comme un lé de velours, malgré le temps maussade, la température extérieure en berne et les quelques difficultés à trouver le temps de faire tout ce qui était prévu... y compris notre exposition, qui était riche en talents et en diversité. Pas beaucoup de visiteurs extérieurs au groupe, ce qui n'a pas empêché les soirées d'être très joyeuses, captivantes, passionnantes, tour à tour et tout à la fois, avec les lectures, les contes, les fables de Pietje Schramouille...

L'écriture a jailli au milieu du groupe et a circulé à travers les deux salles où avaient lieu les échanges de textes, les lectures, les affichages...

Je n'ai guère eu le temps de prendre des photos. En voici néanmoins quelques-unes :




L'année prochaine (nous y pensons déjà), nous envisageons deux stages consécutifs, à partir du 18 juillet. Qu'on se le dise !


mercredi 2 juillet 2008

Encore une disparition...

Marguerite a décidé qu'il était temps pour elle de partir. Elle vivait dans une "maison de repos et de soins", qui est l'appellation désormais politiquement correcte de ce qu'on appelle aussi un "home", et qui était connu autrefois sous le nom d'"hospice" (ou, en wallon liégeois "mohonne des vihès djins"/"maison des vieux").

Elle avait 87 ans. C'est un grand âge. Elle était lasse de vivre, coupée du monde, de ses soeurs, ayant perdu plusieurs membres de sa nombreuse fratrie. J'allais lui faire la lecture, toutes les deux semaines, depuis plus d'un an. Je lui ai lu "L'année du jardinier" de Karel Capek (c'était son préféré), des courtes nouvelles de divers auteurs (celles des fascicules qu'on distribue à l'occasion de la "Fureur de lire") et, tout dernièrement, nous venions de terminer "L'enfant et la rivière" d'Henri Bosco. Elle trouvait que "les choses étaient bien dites".

Lors de mes deux dernières visites, elle était trop fatiguée pour entendre des lectures. Je me suis contentée d'échanger quelques mots avec elle. Elle m'a dit : "Je pense souvent à mes parents. Quand on est petit, ils sont là pour nous consoler, mais, aujourd'hui, il n'y a plus personne." Elle n'avait pas peur de dire les choses comme elle les ressentait. Elle avait bien des côtés attachants, des petites phrases touchantes, qui venaient vous émouvoir au milieu des conversations les plus banales.

Je me souviendrai d'elle aussi longtemps que je le pourrai. Ce sera ma manière de lui rendre hommage.

mardi 20 mai 2008

UN PETIT RAPPEL.



En juillet, j'animerai, en compagnie de Jean-Marc RIQUIER, un stage d'écriture à l'Abbaye de Floreffe.Voici quelques informations. N'hésitez pas à prendre contact avec moi pour recevoir le dépliant complet.


ATELIER

D’ ECRITURE

(résidentiel ou non)

Deux animateurs : une femme, un homme, auteurs, engagés depuis longtemps dans l’animation d’ateliers d’écriture.

Situations inductrices, dispositifs d’accompagnement, écriture individuelle et/ou collective, prose et/ou poésie… Un moment stimulant et récréatif dans un cadre magnifique.



Dates : 18-19-20-21 juillet 2008

(du 18 juillet 16h au 21 juillet 16h)

Lieu : Abbaye de Floreffe (près de Namur), Belgique.

Informations données sur la base d’un groupe de 12 personnes minimum.

Hébergement en chambres individuelles, lit une personne, bureau, armoire, lavabo : apporter draps ou sac de couchage + oreiller - voyage à la charge des participants.



TARIFS DU STAGE.

Atelier-chambre-trois repas sauf boissons :

Coût par personne pour les quatre jours: 190 €.

Inscriptions groupées:

2 personnes : 180€ /pers.

À partir de 3 personnes : 160€ /pers.


« L'Écrit du Coeur »

Belgique—Contact : Jo Hubert

tel : onmousedown="SetCallButtonPressed(this, 1,0)" onmouseover="SetCallButton(this, 1,0);skype_active=CheckCallButton(this);" onmouseout="SetCallButton(this, 0,0);HideSkypeMenu();" context="0497/809 815" rtl="false" class="skype_tb_injection" id="__skype_highlight_id">0497/809 815

e-mail : johub2@gmail.com

Blog : http://johub.blogspot.com/


****

France—Contact : Jean-Marc Riquier

16, rue Pablo Picasso

58640 Varennes-Vauzelles—France

Site personnel : http://perso.wanadoo.fr/jean-marc.riquier/

mercredi 14 mai 2008

Le parcours de St Gilles



Ce premier week-end du parcours de St Gilles était très ensoleillé. Nous avons reçu plusieurs visiteurs qui ont ajouté leurs mots à nos mots, sur les bandelettes de tissu suspendues à un fil (!) dans la cour de Sandra et Gervasio.




De mon côté, j'expose deux réalisations avec des balles de ping-pong porteuses de mots :


On remet ça le prochain week-end !

vendredi 21 mars 2008

DENISE.

Mon amie et voisine Denise est morte. Même si elle n'était plus dans sa maison depuis plusieurs semaines, il me semblait que ses meubles et ses objets familiers continuaient à y vivre, retenant leur souffle dans l'espoir qu'elle revienne les regarder en évoquant des souvenirs, les caresser au passage. Son lit, qu'on avait descendu à la cuisine, gardait l'empreinte de son corps, prêt à l'accueillir en épousant les contours de ses muscles fatigués. Un livre ouvert sur la table frémissait en attendant qu'elle y pose les yeux.

Et puis, un mardi, il y a dix jours, Denise a laissé se détacher d'elle le fil ténu qui la reliait à sa réalité coutumière. Et, dans sa maison à côté de la mienne, j'ai senti que tout se figeait dans une incrédulité douloureuse. Plus jamais, plus jamais Denise. Plus jamais, Denise. L'encre prisonnière de son stylo ne connaîtra pas les courbes de son écriture, les dernières pages du livre ne recevront pas son regard attentif.

La péniche, que je regarde passer lentement sur le canal, de la fenêtre de ma chambre à coucher,
Denise ne la verra pas, elle ne saura pas le nom bizarre qui est peint sur sa proue, elle ne saura pas le drapeau qui flotte mollement sous la pluie. Nous ne partagerons plus les couchers de soleil transfigurant l'écran des fenêtres dans nos cuisines respectives. Je me sens orpheline, sans elle.

L'autre réalité, dans laquelle elle est plongée à tout jamais, dont, peut-être, elle était issue, m'est à présent inaccessible. Et elle ne viendra pas me dire, avec le demi-sourire/demi-soupir que je lui connaissais si bien : "Ah, Josiane !..." comme lorsqu'elle s'étonnait des métamorphoses que son corps traversait au fil de sa dernière maladie.

Considérations banales, sans doute, mais l'esprit du deuil est affaire commune...

jeudi 6 mars 2008

Une fiction politique :

Dommage collatéral.

C’est le jour où j’ai perdu mon petit bracelet d’or fin. Je le tenais de ma Baba et plusieurs générations de femmes de la famille l’avaient porté avant moi.

Quand je l'ai reçu, à quatre ans, il était trop grand et Maman avait fait des nœuds dans la chaînette pour qu’il ne glisse pas de mon poignet quand je courais dans les prairies avec les garçons et les filles du village.

Je ne le quittais jamais.

***

Les bombes tombaient à nouveau sur Belgrade, nous les entendions quelquefois, comme des grondements de tonnerre. Quand je restais à ma fenêtre, en proie à mes insomnies, je voyais les champs de maïs s’illuminer d’éclairs rouges et l’horizon au loin était trop clair même pour une nuit étoilée. Parfois, dans un grommellement sourd, la maison s’ébrouait comme au sortir d’un mauvais rêve.

Au petit déjeuner, mes parents, ma sœur et moi, nous plaignions les Belgradois qui ne pouvaient plus dormir que les nuits où il pleuvait, quand les avions ne sortaient pas.

Dans notre village, à trente-trois kilomètres de là, la guerre ne nous touchait qu’à travers l’absence des maris et des frères, les coupures de courant et l’arrivée de quelques femmes réfugiées avec leurs enfants. Et puis, au loin, les explosions.

***

La bombe. Personne ne l’a vue venir. Elle est tombée sur ma maison. J’ai cru que ma tête éclatait, que mon corps se désintégrait.

A mon réveil, à l’hôpital, j’ai réclamé mon bracelet mais personne ne m’écoutait. Ils couraient dans tous les sens et moi je pleurais en silence. Une infirmière s’est arrêtée et doucement m’a expliqué qu’on m’avait ôté mon bracelet avant de m’opérer. C’était tout ce qui me restait, mon bracelet. Je n’avais plus de maison, plus de sœur, plus de parents, plus de fenêtre où m’accouder les nuits où je ne dormais pas.

***

Le bracelet, on ne l’a jamais retrouvé. J’espère qu’un jour, quand je serai mariée, mon époux m’offrira un bracelet semblable, que je donnerai à ma fille, qui le donnera à la sienne…

…si un homme veut encore de moi.

Une femme sans bracelet !

Une femme sans bras droit !

Josiane HUBERT.

lundi 25 février 2008

Au cirque Samson.

Au cirque Samson.

Trois fois par semaine, au cirque Samson, Lydia lance les couteaux. Vendredi soir, samedi soir, dimanche après-midi. Elle ne regarde plus jamais les visages des spectateurs dans l’espoir d’y reconnaître celui de l’homme qui lui est destiné, selon les dires de Madame Esmeralda, qui l’a vu dans sa boule de cristal. Un gadjo, un homme blond aux yeux clairs, qui l’aimera, qui l’aimera…

Lydia a grandi. Elle ne croit plus aux divagations d’Esmeralda ni aux pouvoirs magiques de la boule de cristal. Quant aux visages des spectateurs, ils changent à chaque séance, ce ne sont pas deux fois les mêmes.

Elle répète son numéro. Elle lance les couteaux. Un par un, ils vont se ficher dans le panneau de bois peint en rouge, ils s’alignent dans leur bain de sang comme des petits soldats sur un champ de bataille. Neuf couteaux, neuf lames qui pénètrent parallèles dans la chair du bois. Tchac ! Tchac ! Tchac ! Tchac ! Les manches tremblent un peu, leur ombre vacille puis s’immobilise et les neuf couteaux restent plantés là. Lydia maîtrise son art, ça lui procure un plaisir froid.

***

Après le spectacle, dans la caravane, elle a froid même quand il fait chaud. Couchée aux côtés de Godefroid, son partenaire, Lydia grelotte entre les draps. Une indifférence glacée, ça vous gèle le cœur, ça vous étrangle peu à peu, ça vous fait mourir à petit feu sans joie, ça vous noie. Dans l’étang gris et désolé de la nuit, Lydia ne se débat pas. Elle se laisse tirer vers le fond, elle s’en va. Un faible courant l’emporte vers un chenal étroit, sans lumière, sans issue, une eau morte d’où on ne revient pas.

***

Les paillettes rutilent, les lames des couteaux reflètent les éclats blancs des projecteurs. Un grand sourire faux est peint sur le visage blafard de Lydia. Ses yeux sont deux abîmes bleus et ses pupilles se contractent à chaque fois que le couteau quitte sa main. Tchac ! Tchac !

Au milieu du panneau rouge, il y a Godefroid qui se tient coi. Il a déjà un couteau planté de chaque côté de ses jambes serrées. Ce soir, le panneau rouge déconcentre Lydia. Le rouge du panneau, c’est le sang de Godefroid dont le sexe est saillant sous le collant moulant. Une cible facile, un dérapage, un accident… Le couteau va partir, la lame glisse toute seule entre les doigts souples et mobiles de Lydia. Elle maîtrise son art, la maîtresse de Godefroid ! Elle est sûre d’elle-même… mais non, elle ne l’est pas ! Le couteau vit sa vie, il veut partir, il part.

Tchac ! A gauche de la taille, entre le tronc et le bras. Tchac ! Et à droite, pareil.

Tchac ! Tchac ! Le long des bras.

Ah le cou ! Ah la tête ! La tentation revient, la solution est là… Plus de noyades nocturnes, la fin des cauchemars pour la jeune Lydia. Mais non, ma belle, tu n’oseras pas, pourtant il aurait suffi d’une fois.

Tchac ! Tchac ! Tchac ! Les trois derniers couteaux, puissance decrescendo. Le dernier, au-dessus de la tête, ne tient pas, il se détache et tombe, éraflant au passage le nez aquilin de Godefroid. Quelques « Oh ! » étouffés du côté du public. C’est du chiqué, voyons, on le sait, c’est du cirque !

Jo Hubert.