LES VOIX DE PORCELAINE.
Les voix venues de loin
sont des fils de couleur dans les tissus urbains
ternes et gris
de nos cités aux horizons de pluie.
Les voix venues d’ailleurs,
les voix des déportés,
répandent la chaleur
sur les cordes glacées de nos vocalités
désabusées.
Les voix de porcelaine
se brisent dans un cri
qui en dit long
et court au milieu de la nuit.
Les voix de porcelaine
des poupées humaines,
quand on leur fait violence,
ont les accents ultimes de la désespérance.
Les voix de porcelaine
des assiettes cassées
sonnent souvent le glas des amours dépassées.
Et l’écheveau de laine,
trituré par le chat,
traîné sous un fauteuil où il prend les poussières,
ressemble à s’y méprendre
à ce que la routine fait de notre existence,
quand on suit les ornières
en baissant les paupières qui nous servent d’œillères,
en subissant le joug, en acceptant le bât
d’un modèle de vie qui ne nous convient pas.
Les voix venues de loin
sont un signal d’alarme,
réveillant notre cœur, nous arrachant des larmes.
Les voix venues de loin sont une rédemption,
rachetant la faute originelle, la soumission
aux normes étriquées de la médiocrité,
aux écheveaux de laine de la conformité.
LE MONDE S'ENDORT.
Le monde s’endort
quartier par quartier d’orange.
Piqué par un fuseau horaire,
il tombe en catatonie.
Sur le front de l’est, tout est calme :
le Moyen-Orient s’est enfin apaisé
comme un enfant lassé des jeux de la journée.
Les dépêches de presse sont tombées pour de bon
dans la fosse commune de l’endormissement.
A l’ouest, rien de nouveau :
l’opulence est de mise, même dans le sommeil,
et le soleil s’y couche dans l’or et le vermeil.
Sous son édredon de nébulosités,
la Terre se repose de ses turbulences,
bercée par la musique des sphères de l’univers,
qui autour d’elle poursuit son éternelle ritournelle.
Jo HUBERT.
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